Franc succès pour les Assises de l’éco-production 2023

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Ecoprod a tenu les 2èmes assises de l’éco-production à l’Académie du Climat le 12 décembre 2023.
Objectif : faire progresser les enjeux environnementaux …

Carton plein avec 450 participants, des conférences et des débats et un programme de très grande qualité alliant les retours d’expériences des professsionnels du secteur audiovisuel, les analyses des chercheurs et les engagements des institutions ou grands groupes. Une occasion aussi de souligner la mobilisation croissante du secteur portée par l’Association Ecoprod qui a rappelé toutes les actions déployées depuis sa création.

Retour sur une journée verte et intense ! 

Le 12 décembre dernier s’est tenue la seconde édition des Assises de l’éco-production, organisées par Ecoprod à l’Académie du Climat. L’événement a eu un franc succès, réunissant près de 450 professionnels de l’audiovisuel, du cinéma, de la pub, allant des producteurs aux diffuseurs, en passant par les représentants d’institutions publiques, chercheurs, réalisateurs, techniciens, chargés d’éco-production… Organisée pour favoriser la rencontre entre les nombreux acteurs de l’audiovisuel concernés par les enjeux environnementaux et pour échanger autour de l’éco-production, cette journée intense a permis de nourrir la réflexion autour de l’éco-responsabilité dans l’ensemble du processus de production. C’est grâce à des participants et invités, tout aussi inspirants que prestigieux, que les Assises ont pu battre leur plein dès neuf heures, et ce jusqu’au cocktail du soir qui a permis se retrouver tout en tirant les conclusions de cette riche journée.

Trois grands moments se sont succédés au fil de la journée : ateliers participatifs réunissant les adhérents d’Ecoprod le matin ; interventions des acteurs publics en fin de matinée, suivi des premiers résultats de l’étude d’impact de l’éco-production lancée par Ecoprod ; avant d’entamer l’après-midi par trois tables rondes interdisciplinaires, réunissant à la fois acteurs du terrain et chercheurs en sciences environnementales et sociales.

Avancées et perspectives des enjeux environnementaux dans le secteur audiovisuel
  • Pervenche BEURIER, déléguée générale d’Ecoprod
  • Alissa AUBENQUE, directrice des opérations d’Ecoprod

La séance plénière a commencé par l’intervention de la déléguée générale d’Ecoprod Pervenche Beurier et de la directrice des opérations Alissa Aubenque qui sont fièrement revenues sur les grandes avancées d’Ecoprod et de l’éco-production en 2023.

Depuis 2009, Ecoprod a bien grandi et réunit aujourd’hui 350 structures adhérentes qui représentent près de 10 000 personnes. 2023 a permis de mettre en place ou d’améliorer des outils, de lancer des politiques, d’affiner les évaluations, bref d’avoir des bases solides pour faire progresser l’éco-production.

En 2024, l’association vise un déploiement large de toutes les bonnes pratiques qui ont été lancées avec l’objectif que chacun puisse se mettre en action, métier par métier. 

Ecoprod est  un écosystème basé sur le triptyque: comprendre, transmettre et agir en fédérant les secteurs audiovisuels autour des enjeux environnementaux. 

Slides Assises 3

Comprendre : Les nombreuses concertations avec le secteur, les groupes de travail Ecopro, les études menées avec des experts sectoriels et environnementaux ont permis de constituer un socle de savoir considérable.Les bonnes pratiques sont partagées dans un objectif d’harmonisation et de mutualisation des savoirs, en France et à l’international. En 2024, l’Association mènera à bien diverses études notamment la finalisation de l’étude d’impacts de l’écoproduction (avril 2024), une étude sur la captation sportive, une sur la post-production, une sur les moyens techniques et d’autres à venir. 

Transmettre :  Ecoprod et ses partenaires, la CST, l’INA, la Fabrique des Formats et la Cinéfabrique ont formé 1150 professionnels à l’éco-production en 2023.

Ecoprod est lauréat du projet France 2030, et prévoit en 2024 un dispositif dans lequel seront déployées de multiples formations dédiées spécifiquement à chaque métier (les réals, les scénaristes, les prods, les chef op, les équipes déco, mais aussi les équipes post-prod et les professionnels de l’animation) à compter de l’année 2024-2025.

Outre les formations, Ecoprod assure la diffusion des connaissances via des fiches pratiques, guides et lors des conférences et événements comme les Assises de l’éco-production.  Les professionnels peuvent s’emparer de nombreuses ressources gratuites sur le site ecoprod.com.

Les fiches pratiques et métiers seront étoffées et mises à jour tout au long de l’année 2024. De nouvelles fiches ont été lancées:  une fiche costumes avec l’AFFCAA ou encore des outils à destination des scénaristes et réalisateurs avec la SRF. 

Seront aussi proposés des outils pour agir au niveau des structures, notamment la mise à jour de la plateforme d’évaluation environnementale des entreprises membres d’Ecoprod.

Agir : Les solutions existent, les outils sont en accès libre pour permettre de systématiser l’éco-production en 2024 avec des engagements forts chacun à son niveau, la mesure de l’impact carbone des projets grâce au Carbon’Clap largement amélioré en 2023, et la réduction globale des impacts environnementaux en améliorant son éco-score au Label Ecoprod. Désormais audité par Afnor Certification, le Label est utilisé pour certifier qu’une œuvre audiovisuelle est produite de façon éco-responsable. Dix-huit productions se sont lancées avec succès dans la démarche et en 2024, beaucoup d’autres ont annoncé vouloir en faire autant. 

Chiffres clés de l’étude d’impact de l’éco-production
  • Laurence ALLARD, chercheuse, IRCAV – La Sorbonne Nouvelle
  • Nathan BEN KEMOUN, enseignant chercheur en redirection environnementale et design
  • Laurent CRETON, Chercheur – IRCAV, La Sorbonne Nouvelle
  • Jérémy PINET, chargé de missions Label Ecoprod

Les chercheurs ont présenté l’étude que mène actuellement Ecoprod pour analyser les impacts organisationnels, budgétaires, et environnementaux de l’éco-production. L’étude est à paraître dans sa version finale au printemps 2024. Néanmoins, des résultats préliminaires ont pu être présentés. Cette étude s’appuie sur un corpus de 44 productions engagées dans une démarche éco-responsable (66% fiction, 14% pub, 11% flux, 9% documentaire) analysées à travers des entretiens individuels complétés par un questionnaire d’enquête plus large ayant obtenu 96 réponses de producteurs, directeurs de productions ou d’éco-référents.   

Sur l’ensemble des productions étudiées, une personne attitrée était en charge de l’éco-production. Les résultats de son action ont été concluants (avec des scores d’éco-production au Label Ecoprod élevés) sous 3 conditions : un engagement appuyé de l’équipe de production et le pilotage par une personne dédiée avec un temps de préparation, d’anticipation et de conception important en amont du tournage. L’éco-production met aussi en jeu des rapports sociaux et peut révéler des asymétries de responsabilité.

D’un point de vue budgétaire, l’étude démontre que l’investissement direct sur les enjeux écologiques varie en moyenne entre 0 et 1% du budget total. Mais il s’agit d’un investissement car les ressources allouées sont considérées comme utiles à moyen terme (économie de sobriété sur le tournage; acquisition de bonnes pratiques et ressources) et long terme (avantage concurrentiel, pérennisation du secteur).  Ce budget spécifique alloué à l’éco-production est pour l’instant largement consacré au salaire des personnes spécifiquement embauchées ou à la formation des équipes. Des prestations spécifiques comme la gestion des déchets, ou la contribution environnementale sont encore assez marginales. Sur ces coûts ne sont pas prises en compte les évolutions budgétaires sur des postes de dépenses qui figuraient de toute façon eu lieu sur le budget de production. 

L’étude souligne également la nécessaire “redirection écologique” du secteur qui ne pourra pas faire l’économie d’une profonde réflexion sur les méthodes de travail. La dépendance très forte du secteur à la matérialité (énergies fossiles, numérique, décors, etc) a été soulignée et implique de penser de façon systémique l’évolution du secteur.  

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Cas pratique : la publicité de l’ADEME
  • Nathalie PONS, Chief Impact Officer pour Havas
  • Valérie MARTIN, Cheffe de service Mobilisation Citoyenne et Médias de l’ADEME
  • Alison BEGON, Fondatrice A Better Prod

La production étudiée ici est la campagne “Posons-nous les bonnes questions avant d’agir” qui a obtenu le Label Ecoprod avec 3 étoiles. Les intervenantes de cette conférence soulignent l’importance de la “cohérence entre la forme et le fond”  et la nécessité d’avoir une ligne directrice claire où chaque aspect de le production est passé au crible des enjeux environnementaux. L’annonceur, ici l’ADEME, joue un rôle clé dans l’impulsion de cette démarche. Les résultats de cette approche sont présentés de manière tangible dans la making of disponible dans le replay de la table ronde.

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Les entreprises de la production audiovisuelle publicitaire comme moteur de la transition ?
  • Sophie GARRIGOU, Conseillère du Commissaire général au développement durable (CGDD), Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires
  • Bénédicte LESAGE, membre du collège de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM)

18 mois après le lancement des “contrats climat”, le Ministère de la transition écologique et l’ARCOM portent un regard critique et constructif sur les impacts de cet outil d’engagements volontaires. La totalité de la chaîne publicitaire est concernée, des annonceurs aux médias en passant par les agences et les régies. Les cinq axes des Contrats Climat ont été présentés, comprenant le type de produit et service promu, l’imaginaire promu (mode de vie et comportements), la production de la campagne et la formation des équipes. Un exemple concret a été donné sur les imaginaires promus : le besoin de diversifier la représentation du “bonheur familial” qui est souvent limitée à la maison individuelle. Les intervenantes encouragent la diversification des contrats climat au-delà des secteurs qui se sont déjà engagés. L’idée est de favoriser une approche plus large et englobante dans la promotion de comportements et de produits respectueux de l’environnement.

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Compte-rendu des tables rondes sur les impacts de l’éco-production : organisation, budget et engagement

L’après-midi a été rythmé par trois grandes tables rondes, regroupant une large palette d’acteurs agissant à diverses échelles de l’éco-production : producteurs, chargés d’éco-production, chercheurs, diffuseurs… en s’appuyant sur les premiers résultats de l’étude d’impact en cours.  La première table ronde a été l’occasion d’aborder les enjeux sociologiques et organisationnels de l’éco-production ; la seconde, les enjeux économiques et financiers ; la troisième, l’action des grands groupes dans l’adaptation du secteur audiovisuel.

Table ronde n°1 – Comment aborder l’éco-production d’un point de vue sociologique et organisationnel ?
  • Laurence ALLARD (chercheuse, IRCAV – La Sorbonne Nouvelle)
  • Etienne LABROUE (réalisateur, éco-manageur, formateur)
  • Christine de Jekel, Productrice exécutive – Moana Films et Curiosa Films
  • Pauline GIL (chargée d’éco-production, formatrice)
  • Serge LADRON (carbon manager, Newen Studios)
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© Fanny Mono Mintrev CC by SAF

La première table ronde a été l’occasion d’aborder les enjeux sociologiques et organisationnels de l’éco-production, notamment au prisme de la fonction de chargé d’éco-production (aussi appelé éco-référent ou éco-manager). C’est par le témoignage de trois d’entre eux – Etienne Labroue, Pauline Gil et Serge Ladron -, mais également de la productrice exécutive Christine de Jekel et de la chercheuse Laurence Allard que diverses thématiques ont pu être abordées.

Le chargé d’éco-production : quel encadrement juridique pour quels enjeux ?

La question de l’encadrement juridique du chargé d’éco-production se pose depuis plusieurs années, puisqu’à l’heure actuelle, cette fonction n’est pas considérée comme une profession à proprement parler dans les conventions collectives. Cette table ronde a permis de revenir sur cette problématique, en réfléchissant plus largement aux missions de celui-ci, à son niveau d’implication et au(x) moment(s) de son intervention dans le processus de production. Les données à récolter étant de plus en plus nombreuses, précises et complexes – notamment le bilan carbone des productions, qu’il est désormais obligatoire de transmettre au CNC -, le chargé d’éco-production occupe une place de plus en plus importante dans l’univers de la production. L’augmentation des outils mis à disposition (calculateur carbone, label, etc) lui permet d’être plus précis et efficace dans son expertise. Enfin, l’ensemble des participants a tenu à rappeler que l’intervention du chargé d’éco-production ne se résume pas à la collecte des données et au tri des déchets, mais également à l’analyse d’impact du projet, à la mise en place d’une stratégie, à la création d’un plan d’action, à l’application et au bilan final.

Co-construire et anticiper : intervenir au plus tôt dans le processus de production

La question de l’intervention d’un chargé d’éco-production à la marge du processus de création a également été abordée. Craignant une atteinte à la liberté de création, divers producteurs, réalisateurs et scénaristes se disent réticents à une telle intervention. Néanmoins, la table ronde a permis d’adoucir ce débat et de clarifier certaines positions, notamment via l’intervention de réalisateurs de la SRF (l’association est un membre actif d’Ecoprod) présents dans le public, affirmant leur volonté de s’engager vers cette voie et appelant à passer d’une sacralisation de la création à la responsabilisation des réalisateurs et des scénaristes. Les chargés d’éco-production rejoignent cette opinion, mais tiennent à rassurer l’ensemble des acteurs en affirmant que le respect du scénario reste primordial. Accompagner une lecture environnementale du projet permet d’anticiper au maximum les mesures qui seront ensuite prises en préparation et sur le tournage.

Co-construction et anticipation sont aujourd’hui les deux principaux mots-clefs pour mener l’ensemble des acteurs vers une éco-production la plus avancée possible.

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Table ronde n°2 – Les enjeux économiques et financiers de l’éco-production
  • Anna CASANOVA (productrice, First Frame)
  • Laurent CRETON (chercheur, IRCAV – La Sorbonne Nouvelle)
  • Pascal GUERRIN (directeur général, Bonne Pioche)
  • Benjamin LANLARD (directeur de production)
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La seconde table ronde a été l’occasion d’aborder l’ensemble des enjeux économiques et financiers de l’éco-production, animée par Laurent Creton, chercheur à l’IRCARV – La Sorbonne Nouvelle avec les interventions d’Anna Casanova, productrice chez First Frame, Pascal Guerrin directeur général de Bonne Pioche et Benjamin Lanlard, directeur de production.

Zoom sur la pub : exemple de méthodologie

Anna Casanova a pu partager son expérience de productrice en publicité – elle présente systématiquement deux devis pour lesquels elle annonce l’impact environnemental associé. Elle précise que, dès lors que le client opte pour le devis le moins éco-responsable, une démarche de compensation est engagée. Cet exemple a mené la discussion vers la problématique du coût de l’éco-production.

Une différenciation du coût de l’éco-production selon les départements ?

Anna Casanova souligne que le coût de l’éco-production varie surtout selon les départements. Du point de vue des décors et des costumes par exemple, le coût est nécessairement réduit dès lors que la seconde main est envisagée. Néanmoins, Pascal Guerrin souligne l’existence réelle de surcoûts. Il estime par exemple que des coûts liés aux véhicules électriques sur l’une des ses dernières éco-productions équivalaient à une journée de tournage, et qu’il faut prendre en compte à la fois coût humain, logistique et parfois technologique. L’ensemble de ces facteurs mène à la question du temps supplémentaire, intrinsèquement reliée au coût. L’éco-production implique la recherche d’alternatives qui peut s’avérer choronophages. A l’instar des conclusions de la première table ronde, les notions d’anticipation et d’adaptation s’avèrent être primordiales.

Le moindre coût de l’éco-production : entre sobriété et économie

Benjamin Lanlard se dit quant à lui convaincu que l’éco-production ne coûte pas vraiment plus cher étant donné qu’elle repose sur une logique de sobriété. Constatant que cette démarche entraîne davantage d’économies que de coûts, il met en avant les pratiques du réemploi, de la seconde main et de l’optimisation des transports.

Afin de conclure sur le coût de l’éco-production, les chercheurs mobilisés sur l’étude d’impact lancée par Ecoprod ont pu témoigner des premiers résultats : les coûts directs de la démarche environnementale représentent en moyenne entre 0 et 1% du budget total de la production.

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Table ronde 3 : Adapter le secteur audiovisuel : Les grands groupes en action
  • Delphine CAZAUX, directrice générale, Mediawan
  • Mélissa SAINT-FORT, directrice RSE, TF1
  • Nathan BEN KEMOUN, enseignant chercheur en redirection environnementale et design
  • Gérald-Brice VIRET, directeur Canal+ et directeur général des Antennes et des Programmes du groupe Canal+
  • Guillaume CHARLES, directeur général des programmes, Groupe M6
  • Marjorie PAILLON, journaliste, productrice, speaker
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Systématiser l’éco-production chez les grands groupes

2024 s’annonce être une année de structuration et d’accélération des actions d’éco-production pour les grands groupes. L’année 2023 a été l’occasion pour eux de tester le Label Ecoprod sur des productions pionnières, telles que Top Chef pour M6, qui a obtenu le Label Ecoprod deux étoiles, ou Envie d’Agir et la série Narvalo pour Canal+. Cette expérience a été concluante, puisque les groupes s’engagent à systématiser l’éco-production dès 2024. Pour Guillaume Charles, Directeur Général du groupe M6, “Nous considérons ces productions comme des programmes pilotes, qui nous permettront de définir une stratégie globale et réaliste pour l’ensemble de nos productions.”  Gérald-Brice Viret, Directeur Général en charge des Antennes et des Programmes de Canal + annonce ainsi “Toutes nos créations originales qui seront à l’antenne dans 24 mois doivent être éco-produites. On va tourner pour avoir le Label sur 100% de nos productions. “

Cela rejoint par ailleurs les engagements pris par ARTE, qui est en train de faire certifier ses émissions d’actualité produites en interne à Strasbourg avec le Label Ecoprod et vise à produire de manière éco-responsable l’ensemble de sa production interne d’ici fin 2024.

Former, mesurer et mutualiser : les leviers pour éco-produire

Les intervenants ont également insisté sur l’importance de la formation. Tous déploient massivement la formation de leurs collaborateurs et se dotent d’une direction RSE à la hauteur de leurs ambitions.

Pour ces grands groupes, réduire l’impact passe par des objectifs concrets . TF1 a par exemple publié sa stratégie SBTI (science based targets), avec pour objectif de réduire de 30% ses émissions de CO2 d’ici 2030. Pour cela, le groupe s’est notamment engagé à mesurer l’impact de ses programmes avec le Carbon’Clap, le calculateur carbone développé par Ecoprod qui sera relié à leur outil interne (SWEEP). L’utilisation du Carbon’Clap à large échelle est aussi préconisé chez M6, Mediawan ou Canal+. Par ailleurs, les groupes disent avoir bien conscience que tout ne réside pas dans le calcul des émissions et qu’un tel outil doit les guider dans leur stratégie afin de trouver les bons leviers à activer. 

Autre aspect évoqué, la mutualisation des décors et des costumes,  un investissement majeur qui pourrait permettre de réduire l’impact environnemental et, in fine, permettre de faire des économies d’échelle. Mediawan, de son côté, a lancé un chantier de studio européen prenant en compte ces enjeux

Un travail commun : mobiliser l’ensemble de ses équipes pour avancer

Pour Nathan Ben Kemoun, enseignant chercheur en redirection écologique à l’ESC Clermont Business School ainsi que pour Gérald-Brice Viret, l’éco-production n’est pas du militantisme, mais une prise de conscience sérieuse des conditions matérielles qui sont en train de changer. L’éco-référent ne peut pas être la seule personne à porter la démarche d’éco-production, l’ensemble des équipes doit être mobilisé. Mediawan construit sa démarche d’éco-production très en amont en intégrant les auteurs de ses programmes. Présenter des solutions concrètes permet aux groupes d’attirer des professionnels et des talents engagés. Pour Canal +, l’engagement est clé pour attirer de futurs collaborateurs, mais aussi de nouveaux abonnés. Ces derniers exigeraient des programmes toujours plus vertueux, ce qui aiderait le diffuseur à accentuer et amplifier ses efforts en termes d’éco-production.

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Conclusion des tables rondes
  1. Les discussions ont permis de rappeler les deux piliers de l’éco-production d’un point de vue organisationnel : l’anticipation et la co-construction de la démarche avec l’ensemble des équipes techniques et artistiques. 
  2. Le rôle des personnes en charge de l’éco-production a été largement débattu, faisant ressentir la nécessité de définir ce métier et son périmètre d’intervention. 
  3. D’après les premières conclusions de l’étude d’impact de l’éco-production porté par Ecoprod, les coûts directs de la démarche environnementale représentent en moyenne entre 0 et 1% du budget total de la production. Ces coûts peuvent être considérés comme des investissements et sont nécessaires pour assurer la pérennité du secteur. 
  4. Les grands groupes, diffuseurs et producteurs, ont pour ambition de systématiser l’éco-production en mesurant l’impact carbone de tous leurs projets avec le Carbon’Clap et en faisant labelliser une grande partie de leurs programmes avec le Label Ecoprod (l’intégralité des production internes en ce qui concerne Canal+). 
  5. Les grands groupes s’engagent à produire mieux, sans produire moins. La France étant un pays de cinéma, l’objectif est d’être un moteur de la création écoresponsable.
Conclusion de l’événement : les chemins de la soutenabilité
  • José HALLOY, professeur de physique et de sciences de la soutenabilité à l’Université de Paris

Cette journée intense en réflexion s’est conclue par la prise de parole de José Halloy, professeur de physique à l’Université de Paris qui lance une question simple mais inquiétante : “Aurons-nous de l’audiovisuel à la fin du siècle ?” La réponse peut être non, selon José Halloy, qui tient donc à apporter son expertise scientifique nous menant aujourd’hui à une telle question.

Il ne s’agit pas ici d’interroger seulement l’impact de notre industrie mais bien sa pérennité qui relève de facteurs structurels – comme c’est d’ailleurs le cas pour toutes les industries. 

La notion de métabolisme

La notion de métabolisme, définie comme l’ensemble des réactions physiques et chimiques maintenant un système en fonction, est introduite pour illustrer le constat selon lequel la technosphère actuelle, mal connectée au système terre, produit une accumulation de dioxyde de carbone, contribuant au réchauffement climatique. 

La défaillance de la technosphère actuelle et la fin des énergies fossiles

A l’heure actuelle, les combustibles fossiles représentent 82% de l’énergie primaire mondiale. Pourtant, José Halloy partage un constat fort : les énergies fossiles sont une parenthèse dans l’histoire de l’humanité, parce que leur stock est épuisable, mais aussi pour des raisons écologiques et climatiques. Il faut donc penser “l’après-combustibles-fossiles”, que l’on soit sensible à l’écologie ou non. Ce changement est tel qu’il faut commencer à y penser dès aujourd’hui, à diverses échelles temporelles et spatiales.

Soutenabilité faible et soutenabilité forte

C’est ce qui est fait notamment lors de ces Assises de l’éco-production : le secteur travaille à son adaptation en essayant de diminuer ses impacts environnementaux. C’est une logique de soutenabilité faible mais ce qui est une étape nécessaire et qu’il convient de ne pas négliger.  

Pour assurer la pérennité du secteur, il faut penser dès maintenant en termes de soutenabilité forte. Il faut sortir de la dépendance aux “technologies zombies” qui sont mortes du point de vue de la soutenabilité forte, que l’on ne projette pas de pouvoir utiliser encore longtemps : elles dépendent des énergies fossiles, sont basées sur des matériaux qui ne sont pas conçus pour être recyclés,  et qui produisent des catastrophes écologiques mettant en danger l’humanité.

José Halloy résume son propos en trois missions concomitantes :

  • Gérer l’existant
  • Faire de la soutenabilité faible (en cours)
  • Inventer de la soutenabilité forte : via la recherche fondamentale de laquelle l’industrie audiovisuelle, est tributaire. Il va être nécessaire d’inventer, donc de faire pression sur les fournisseurs et inventeurs pour obtenir des matériaux recyclables, réparables, etc.

Il faut mettre en place un nouveau métabolisme des technologies qui sera compatible avec le fonctionnement géobiophysique de la terre, c’est-à-dire qui ne réduira pas l’habitabilité de la planète pour l’humanité.

“Ce n’est pas le changement climatique, c’est tout qui change.”, Margaret Atwood

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